Le changement thérapeutique, pistes pour la pratique

Dans le précédent article, j’évoquais qu’il existait des conditions nécessaires au changement dans un système thérapeutique.

Quelles sont ces conditions ? Qu’est-ce que cela implique en termes de posture du thérapeute dans la relation thérapeutique ?

C’est ce à quoi je vais tenter de répondre en lançant quelques pistes pour la discussion. A noter que les concepts développés succinctement ci-dessous font essentiellement référence à l’approche systémique. Il existe bien sûr de nombreuses autres pistes de réponse qui mériteraient d’être développées, notamment par l’apport des autres axes psychothérapeutiques.

Alliance, engagement, affiliation : les conditions du changement thérapeutique

Tout au long de la formation de psychothérapeute est enseigné qu’une alliance thérapeutique, suffisamment solide, est le préalable nécessaire à tout travail psychothérapeutique. L’alliance permet la bonne conduite des interventions psychothérapeutiques et la consolidation de leurs effets.

De nombreuses recherches se sont intéressées à ce concept et la littérature abonde d’articles sur le sujet. Je me permets de vous référer entre autres à un article très intéressant publié sur Revmed. Celui de J.-N. Despland, Y. de Roten, E. Martinez, A.-C. Plancherel et S. Solai, intitulé L’alliance thérapeutique : un concept empirique, qui rapporte une recherche lausannoise sur le sujet.

L’approche systémique implique en plus de cette alliance un engagement du thérapeute au sein du système. Le thérapeute familial n’est pas un simple observateur-spectateur extérieur aux événements. Il est lui-même producteur d’actes et de sens car il fait partie intégrante du système. Co-acteur engagé avec le patient et/ ou la famille de la scène thérapeutique, il n’y a donc pas d’un côté le système thérapeutique et de l’autre le système familial mais un seul système constitué de tous.

Ceci permet l’affiliation (ou joining) du thérapeute au patient et/ou à la famille jusqu’à ce qu’il se fonde à leur mode d’organisation et à leur style. L’objectif étant de s’en faire accepter pleinement afin que puisse ainsi survenir un changement thérapeutique (Rougeul F. 1989). L’affiliation avec le demandeur de soins et son système implique de faire preuve d’ouverture d’esprit, de capacités d’adaptabilité et de flexibilité.

Travailler avec et non sur

Travailler « avec » la personne et sa famille et non « sur » la personne et son système est la voie privilégiée à suivre pour aborder les patients. La théorie des systèmes souligne en effet que si la famille participe à créer le problème elle peut aussi contribuer à trouver les solutions (Ausloos G. 2016).
Ainsi une approche collaborative, dans le respect de la fonction du symptôme dans la relation, permet la co-construction du projet thérapeutique dans une approche comparative, en termes d’aller mieux, plutôt qu’une approche absolue en tout ou rien. Le thérapeute doit pouvoir laisser de côté ses propres représentations ou croyances afin que de nouvelles cartes du monde apparaissent.

Un cadre thérapeutique clair, au rythme de la personne

Dans les conditions du changement thérapeutique, un cadre thérapeutique clair avec des règles de fonctionnement déterminées et convenues ensemble dès le début prime. Ceci permet notamment de diminuer la tension et de laisser le patient maître de sa thérapie et de son rythme.
Il faut pouvoir de plus laisser de côté son idéal d’objectifs de soin et maîtriser son envie du changement pour le patient. Une approche qui prend en compte le rythme, les objectifs du patient ainsi que les paramètres bio- psycho- médico- socio-environnementaux et les critères de qualité de vie, amène à construire plus aisément l’alliance thérapeutique et à s’affilier au système. Cela permet aussi aux personnes de raccrocher aux soins et d’arrêter de les fuir, ne pensant pas pouvoir y arriver, étant confronté aux attentes-exigences des soignants parfois trop hautes.

Etre convaincu de la possibilité de changement

Enfin, le regard que le thérapeute porte sur le « patient désigné » et son système, même s’il ne fait pas tout bien sûr, n’en est pas moins déterminant sur le sens de l’évolution de la prise en charge. Le thérapeute influence ce dernier et réciproquement. Il doit être convaincu de la possibilité de changement du système et de sa capacité de résilience. Il ne doit pas entrer dans le schéma des prophéties réalisantes décrit par Paul Watzlawick. En effet si le thérapeute pense que l’évolution sera négative et qu’il n’y a pas de possibilité de changement, alors les patients sont à haut risque de se conformer à ce modèle. Ceci implique de rester vigilant à nos propres présupposés pour ne pas les projeter sur nos patients et ne pas les entretenir dans des logiques d’échec. Il faut aussi apprendre à s’arrêter et à pouvoir passer la main.

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