Espace-transition, soins en santé mentale, c’est quoi ?
Bienvenue sur le site d’Espace-Transition et plus précisément sur cette page intitulée le « Billet du doc ». Elle se veut un lieu d’échanges et de partages avec les professionnels œuvrant de près ou de loin dans le domaine des soins en santé mentale et ses bénéficiaires.
Pourquoi avoir lancé ce site ? Quelles sont les raisons qui m’ont amené à le créer ? C’est ce que vous allez découvrir en lisant les lignes suivantes.
Espace-transition est né de l’envie de développer une pratique ambulatoire en soins en santé mentale en tant que psychiatre-psychothérapeute. Une pratique au cœur de la communauté, accessible, intégrative et dédramatisée, c’est-à-dire une intervention dans l’idéal :
– À l’endroit le plus facilitant pour la personne en besoin de soins, soit en centre médical, soit sur son lieu de vie notamment dans les moments de crise psychique qui peuvent altérer les capacités d’autonomisation (domicile, rue, foyer, etc.)
– s’appuyant sur les partenaires du réseau déjà existants
– en relativisant le (surtout premier) contact avec la psychiatrie ou le monde de la santé mentale
Mon objectif est ainsi de pouvoir offrir une pratique adaptable aux besoins des personnes en demande de soins psychiques en allant les rencontrer là où elles se trouvent dans leur parcours psychique.
Ce choix du nom « Espace-transition » traduit la volonté de limiter autant que possible l’intervention dans cet espace-temps de l’entre-deux, c’est-à-dire dans le passage d’un état à un autre, de la crise psychique à la stabilité. C’est ainsi un accompagnement qui veut éviter la rupture, le traumatisme de la perte de la continuité dans le rapport à soi et aux autres. Il s’agit donc d’une intervention évolutive, en lien avec le processus psychique parcouru par la personne… le mouvement reste ici essentiel !
Espace-transition, des soins en santé mentale dans la communauté
Si l’endroit le plus facilitant pour la personne est initialement son lieu de vie cela ne signifie toutefois pas que l’ensemble de la prise en charge se fera au domicile. Un état de crise psychique peut empêcher quelqu’un de se rendre dans un cabinet pour un rendez-vous (pour différentes raisons : désorganisation de la pensée qui entrave la capacité à effectuer le trajet, contacts avec les autres vécus comme menaçants ou intrusifs, angoisse majeure impactant de fait la capacité de déplacement, etc.). Toutefois le rétablissement clinique s’accompagne de la récupération des capacités d’effectuer les activités de la vie quotidienne (AVQ), dont la capacité de se déplacer.
L’objectif est ainsi de soutenir les capacités de résilience propres et inhérentes à chacun, pour éviter une chronicisation tant dans la symptomatologie que dans les interventions psychiatriques. Les interventions elles-mêmes devraient pouvoir être accessibles à tous, sans critères d’exclusion qui viendraient interférer ou ralentir le délai de prise en charge par exemple.
Un travail en réseau interdisciplinaire
Dans ce parcours vers le rétablissement et l’autonomisation, le travail en réseau interdisciplinaire et en étroite collaboration avec les partenaires ambulatoires sont essentiels. L’intervention psychiatrique, notamment de crise, ne vient pas remplacer ou se substituer à la prise en charge déjà en place mais vient renforcer cette dernière, en y ajoutant un liant complémentaire. L’interdisciplinarité née de la mutualisation des compétences et spécificités apportées par chaque métier (infirmier, psychologue, assistant social, éducateur, ergothérapeute, art thérapeute, etc.) permet d’offrir un soin intégratif et touchant tous les aspects bio-psycho-médico-sociaux.
A noter que l’état de crise ne signifie pas ici l’état d’urgence psychiatrique, ce dernier nécessitant le recours aux services d’urgence. Si l’état psychique de la personne se représentait par une ligne (même tortueuse) alors l’état de crise psychique serait pour moi la période avant l’urgence, celle de l’apparition des prodromes ou des états sub-décompensés. Ce serait l’intervalle de temps où l’hospitalisation peut encore être évitée à la condition qu’un changement se produise pour venir modifier l’évolution naturelle des troubles psychiques.
Le suivi crise c’est-à-dire le renforcement de la prise en charge (par l’augmentation du nombre et le rapprochement dans le temps des consultations psychiatriques, l’inclusion de nouveaux partenaires dans le suivi ou encore l’adaptation du traitement médicamenteux par exemple, etc.) est un moyen essentiel dans ce cas pour modifier cette évolution. La distinction et la définition de ce que sont la crise et l’urgence psychiatrique, ainsi que les différentes options de prise en charge, fera le sujet d’un prochain texte.
Une rencontre dédramatisée de la psychiatrie
Enfin se pose la question du contact que peuvent vivre les bénéficiaires de soins avec le « monde » de la psychiatrie et les intervenants en santé mentale. Comment entrer en lien avec l’autre, notamment lorsque la rencontre se produit sur un mode non volontaire ? Comment s’affranchir et aller par-delà les représentations parfois négatives ou les traumatismes laissés par l’expérience « psychiatrique » ? Ce sujet pourrait faire l’objet d’un article à part entière mais dans les pistes de réponse nous pourrions déjà hypothétiser qu’une approche collaborative et l’engagement relationnel permettent de poser un début de bases pour la création de l’alliance thérapeutique.
Plusieurs auteurs dans la littérature ont souligné qu’il existe des conditions nécessaires au niveau de la relation thérapeutique comme notamment : la création progressive d’un lien stable et solide, une posture contenante et empathique, la co-construction d’un système thérapeutique sur mesure… Peut-être qu’en résumé un positionnement socratique du thérapeute (savoir qu’il ne sait pas), une approche co-constructiviste (la recherche d’une construction alternative et partagée) et la priorité donnée à la qualité du lien permettraient de dédramatiser un bout la rencontre en psychiatrie.